JERRY SAYS : « Hello & goodbye »

QUELQUES ANECDOTES :

IL FAUT ONZE MINUTES ET DIX-NEUF SECONDES... avant qu'un monospace familial n'explose et ne se consume.

J'entendais leurs cris de douleur et de peur déchirer mes tympans, j'entendais les passants s'affoler tout autour et crier à leur tour, les klaxons, les alarmes des voitures hurlaient à tue-tête et je me sentais impuissant, tellement impuissant. L'explosion s'était faite entendre d'un bout à l'autre du quartier mais j'étais arrivé trop tard, beaucoup trop tard. Regardez à quel point je suis pathétique, d'un naturel si froid et précautionneux, là, je tremble, je perd mon sang-froid et panique comme il n'était jamais permis de me voir paniquer. Mes gestes sont désordonnés et les portes verrouillées ne font qu'accentuer mon affolement graduel. Les gens tout autour ne bougent pas d'un geste, bande de cons ! Ils me regardent, pleurent et s'égosillent mais aucun ne vient m'aider, il me contemple en train de défier cette putain de faucheuse qui me nargue elle-aussi pendant que la voiture brûlait encore et encore. Elle était encastrée dans un autre camion où la moitié du corps du conducteur jaillissait du pare-brise brisé, les boyaux à l'air et le reste, déchiqueté. J'aperçus entre deux flammes, les innombrables trous parsemant la carrosserie de notre Monospace : des impacts de balles, j'en aurais mis ma main à couper. C'était moi qu'ils voulaient, peu importe son ou leurs identités, ils avaient tirés sur l'auto pour m'avoir, ces fils de putes. Mais je n'y étais pas mais ma femme et mes deux gosses, si.
J'arrachai un bout de mon t-shirt et m'enveloppai la main droite avec, puis tentai de casser une des vitres, ces saloperies de vitres que j'avais faites blinder et qui était incassable à ce qui paraît. Et cette main sur cette même vitre, une petite main ensanglantée qui faisait la moitié de la mienne, elle cognait encore et encore et entre la fumée, le visage de ma petite fille, plein de cendres et d'hémoglobine, ses yeux me suppliaient 'Papa, sauve moi' avant de disparaître dans un nuage de poussières. A ses côtés, mon fils était mort, je crois, la moitié du corps brûlé, méconnaissable. Je n'en pouvais plus, j'en avais vu des cadavres, des corps mutilés mais la vision de ma famille rongée par le feu m'était insupportable. La portière avant, celle où ma femme se tenait au volant, inconsciente, céda enfin sous mes coups, je tentais avec précipitation de la détacher, de la sortir du véhicule en feu mais, alors que j'atteignais sa ceinture, je me sentis tiré en arrière, je les voyais s'éloigner, les bras ballants, j'étais carrément traîné et je luttais pour retourner les chercher, je pouvais les sauver encore, il me fallait du temps, rien qu'un peu encore. Mais du temps, je n'en avais plus, il était trop tard.
Onze minutes et dix-neuf secondes, alors que deux types me tenaient fermement par la taille pour me faire reculer et m'éloigner de la voiture incandescente que je voyais, faible et impuissant, exploser sous mes yeux, emportant ma femme et mes deux enfants, emportant tout ce qui me restait. Onze minutes et dix-neuf secondes qui suffirent à m'ôter toute mon humanité pour ne laisser qu'un putain de désir de vengeance.